En 1952, l’écrivain américain John Steinbeck a séjourné à Poligny, dans le quartier de Charcigny. Il a rendu compte de son expérience dans une revue américaine.
John Steinbeck (1902-1968) est l’une des figures majeures de la littérature américaine contemporaine. Prix Nobel de littérature en 1962, il est notamment l’auteur des Raisins de la colère (1939), lauréat du prix Pulitzer.
C’est Louis Gibey, professeur d’anglais au collège Jules Grévy, qui lui avait consacré un mémoire universitaire, qui est à l’origine de sa venue à Poligny, dans sa maison familiale sise au 60, rue Jean Jaurès, au cœur du quartier de Charcigny.
De ses trois jours passés à Poligny au printemps 1952, Steinbeck rend compte dans un article publié le 30 août 1952 dans l’hebdomadaire américain Collier’s et intitulé « The Soul and Guts of France » (« L’Âme et les Tripes de la France »).
« L’âme et les tripes de la France », les « paysans, vignerons, enseignants et enfants du petit village de Poligny » en constituent le prototype, des « paysans individualistes, qui, un temps, ont terrorisé les Allemands ».
Steinbeck décrit un quartier rustique, aux rues « grouillant d’enfants, de chiens, et matin et soir de vaches allant ou revenant de leur pâturage ». Les enfants vont pieds nus, les animaux s’invitent parfois dans les maisons, des maisons au confort élémentaire et qui ignorent la plomberie.
L’écrivain américain a été mêlé « aux trois activités importantes de la rue de Charcigny, et, sans doute,en fait, de toute la ville de Poligny : le vin, la chasse et la politique ».
Immergé dans un quartier vigneron, Steinbeck décrit avec minutie le cérémonial entourant la dégustation du vin, dont il loue la qualité. Il visite aussi la cave de la coopérative vinicole, dans l’ancienne église des Jacobins.
Il rapporte également la passion des paysans pour la chasse. La naissance du fils d’un chien de chasse de renom attire l’attention de toute la rue, interrompant même une discussion politique.
Car, dans le contexte de la guerre froide, la politique tient une place prééminente dans les conversations.
Il est question du parti communiste, dont la plupart des habitants se sont détournés après la Seconde Guerre mondiale : profondément patriotes, ils ne peuvent cautionner un parti inféodé à une puissance étrangère.
Mais les interlocuteurs de Steinbeck refusent pour autant que le France devienne une colonie américaine, ou d’être entraînés dans une nouvelle guerre par la faute des États-Unis. Certains tiennent même des propos anti-américains, ou se montrent sensibles à la propagande communiste (ainsi de l’usage d’armes biologiques durant la guerre de Corée).
L’écrivain défend quant à lui la mission des États-Unis comme défenseurs du monde libre, rappelant la Libération, mettant en avant la contribution américaine au redressement de la France. Il y oppose les systèmes dictatoriaux imposés dans les pays satellites de l’Union soviétique. Il ne parvient toutefois pas à déterminer s’il est parvenu à convaincre son auditoire.
Traduit en France, l’article suscite la polémique, localement, mais aussi dans la presse nationale. Au-delà de la description de Poligny comme un petit village arriéré et moribond, est dénoncée la partialité de l’article, qui ne rapporte que les propos, sinon de communistes, du moins de paysans aux idées « avancés ». France Dimanche diligente même une contre-enquête.
Pour autant, depuis 2019, une place de Poligny porte le nom de John Steinbeck. Elle fait face à la maison où l’écrivain a séjourné.
Source
- GIROD, Jean-Paul. John Steinbeck à Poligny : L'âme et les tripes de la France. Revue de l’Association de Sauvegarde du patrimoine polinois, 2004, 19, p. 11-23.